L'Art de corriger sans juger

Derrière les mots, il y a des personnes. Dans cet article, je partage mon expérience en tant que correcteur et la déontologie qui guide mon travail.

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Autour de moi, et particulièrement depuis que je suis correcteur, il arrive que des gens aient peur. Peur d’écrire devant moi, peur de me laisser lire un texte. Je ne veux faire peur ni à ceux et celles que j’aime, ni à quiconque. C’est déjà assez difficile de rassurer les gens au sujet de leur valeur (qui ne dépend pas de leur orthographe) sans en plus leur faire subir des remarques non désirées et peut-être blessantes. En outre, je ne suis pas payé pour le faire.

Il ne faut pas oublier que la maîtrise des règles de la langue est fortement conditionnée par la classe sociale. Dans la bourgeoisie, même un ou une enfant dyslexique va finir par s’en sortir en français à coups de cours particuliers. Enfant d’enseignant, j’ai grandi avec l’Encyclopedia Universalis bien en vue dans la bibliothèque familiale. Durant toute mon enfance, mes parents m’ont fait la lecture chaque soir. D’autres enfants n’avaient pas cette chance : aucun livre à la maison, pas de carte de bibliothèque, des parents eux-mêmes fort mal à l’aise avec la langue.

Bien entendu l’orthographe, la typographie, la syntaxe et un juste emploi du vocabulaire m’importent. Si j’en ai fait mon métier, c’est que j’aime ça ! Mais ne pas accabler autrui de ses compétences professionnelles fait partie des bases de la déontologie des correcteurs et correctrices. L’orthographe n’est pas un savoir neutre et ma grande maîtrise me rend particulièrement responsable d’éviter de faire violence à ceux et celles qui manient moins bien cet art.

Les certificats Le Robert et Voltaire délivrent une note sur 1000 points. Dès 500 points, on a un niveau de fin de collège. Les cadres supérieurs et supérieures, les secrétaires et toutes les personnes qui produisent des textes destinés à être rendus publics devraient en principe atteindre les 700 points. Au-delà, les choses se corsent. Le niveau expert, à 900 points, est requis pour les professionnels et professionnelles du texte : profs de français, correcteurs et correctrices. Mes scores à ces examens sont encore bien au-dessus : 963 et 966 points.

Alors voilà : je sais, d’autres ne savent pas, mais peut-être ne souhaitent-ils et elles pas que j’intervienne. Peut-être que cela les ferait souffrir, réactivant les humiliations des dictées de leur jeunesse. « J’enlève quatre points pour les fautes. » annoncent sans pitié certains et certaines profs. Je ne suis pas à la place des personnes qui n’écrivent pas parfaitement pour savoir ce qui est bon pour elles. Alors je me tais et même, j’accueille ces « fautes » comme de possibles évolutions futures de la langue, sujet tout aussi passionnant que la correction.

Mais n’est-ce pas mon métier, de corriger les fautes ? Je vous rassure tout de suite : si vous me confiez votre texte, il sera impeccablement corrigé et ce, bien au-delà de simples règles orthographiques. Les fautes auront disparu et je vous aurai fait des propositions de reformulation pour les répétitions, pléonasmes, verbes faibles, etc. Par contre si vous ne m’avez rien demandé, vous pouvez écrire « Je vais arrivé à cinq heure » ou même « sa va? » sans que je ne hausse un sourcil. (Combien de fautes avez-vous repérées, typographie comprise ?)

En effet mon métier consiste à perfectionner votre texte et non la personne que vous êtes, car je ne suis pas l’Éducation nationale. Vous pouvez compter sur un maximum de respect et de bienveillance dans notre collaboration.